LE PARISIEN : Leur mort ne doit rien à la fatalité» : la colonie aux États-Unis s’était achevée dans le drame


En 2009, aux États-Unis, deux adolescentes, Orane et Léa, étaient mortes dans un accident de la route lors d’un séjour touristique. Dix ans plus tard, et alors que le procès s’ouvre ce lundi, la mère de Léa témoigne.

Bientôt l’été et le temps des « jolies colonies de vacances ». Si la plupart des séjours pour enfants se déroulent sans accroc, le procès qui s’ouvre ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) vient rappeler combien leur organisation et leur sécurité ne supportent pas l’approximation.

Le 22 août 2009, lors d’un voyage dans l’Ouest américain, Léa Baldaccini, 17 ans, et Orane Pozzo di Borgo, 15 ans, ont perdu la vie dans un accident de minibus. Sur une route du Nevada, près de Las Vegas, l’un des trois vans qui conduisait leur groupe d’ados vers la Vallée de la Mort a brutalement quitté la chaussée… Léa et Orane ont été éjectées du véhicule, leurs quatre camarades blessés, ainsi que l’animatrice qui conduisait. « Je me suis endormie au volant », aurait-elle crié après le drame – ce qu’elle a ensuite nié.

Dix ans plus tard, au terme d’une longue procédure judiciaire, l’ancienne animatrice, le patron de la société organisatrice du séjour, Cousins (ex-Cousins d’Amériques), ainsi que ce groupe en tant que personne morale répondent d’homicides et blessures involontaires et de pratiques commerciales trompeuses. L’instruction, nourrie du rapport de police californien et des enquêtes administratives, a conclu à de multiples manquements. Des temps de repos non respectés, une feuille de route modifiée, un budget réduit, une directrice pas préparée, un permis de conduire non conforme, des ceintures de sécurité pas attachées…

Pour les parents de Léa et Orane, qui ont fait de la sécurité des séjours pour mineurs leur combat, ce procès est un aboutissement. Nathalie Baldaccini, maman de Léa, explique pourquoi.

Ce procès s’ouvre dix ans après la mort de votre fille. Qu’en attendez-vous ?

NATALIE BALDACCINI. La vérité, je la connais et je viens l’énoncer. Je veux voir si les juges partagent mon sentiment et si ce qui s’est passé mérite une sanction. Il y a eu, selon moi, une mise en danger d’enfants consciente, dans une recherche de profitabilité. L’argent a été privilégié à la sécurité. Ce séjour prévu du 12 au 31 août 2009 dans l’Ouest américain coûtait 2 600 euros. En réalité, sur place, tout ce qui était essentiel – l’alimentation, l’hébergement, les transports – était organisé à l’économie. Quant à l’équipe d’animation (NDLR : trois pour vingt ados), ils devaient tout assumer, y compris la conduite. L’animatrice dit aujourd’hui ne pas s’être endormie au volant. En dépit de la fatigue et de la chaleur, elle avait décidé de jeûner le matin pour le ramadan. Elle n’avait pas le bon permis.Newsletter – L’essentiel de l’actuChaque matin, l’actualité vue par Le ParisienJE M’INSCRISVotre adresse mail est collectée par Le Parisien pour vous permettre de recevoir nos actualités et offres commerciales. En savoir plus

Pourquoi la procédure a-t-elle été si longue ?

Parce que mon mari et moi n’avons pas voulu nous contenter du lampiste, de la seule conductrice. Nous voulions que les responsabilités de l’agence de voyages soient sanctionnées au plus haut niveau. Le PDG du groupe nous courrait après avec un chéquier… J’ai pensé : je t’ai confié ma fille, toi tu vas visiter les tribunaux. Cet homme n’a pas compris que sa matière première, c’était des enfants et n’a fait montre d’aucune considération pour les victimes et pour leurs familles. Nous avons ainsi d’abord entamé une démarche civile aux États-Unis, puis une procédure en France. L’information judiciaire a été ouverte à l’automne 2010.

Quand avez-vous parlé à Léa pour la dernière fois ?

La veille de l’accident. Elle était à Las Vegas, à la piscine, et il était 4 heures du matin. J’ai pensé que c’était super, qu’elle était là pour s’amuser… La nuit suivante, l’équipe les a fait dormir sur une aire d’autoroute, dans un carré d’herbe, où les arroseurs les ont réveillés… Quand on m’a appelée pour me dire que ma fille était décédée dans un accident de la route, à 10 heures du matin, j’ai voulu comprendre. Je suis allée trois fois aux États-Unis pour tout reconstituer… J’ai compris que la mort de Léa et d’Orane ne devait rien à la fatalité.

Espérez-vous une condamnation ?

Personne ne nous rendra Léa et Orane. Personne n’ira non plus en prison. Ce que nous voulons, c’est que cela ne se reproduise plus. Que la reconnaissance d’une faute pénale empêche ces gens d’exercer auprès de mineurs. Qu’un signal soit adressé à tous ceux qui organisent des séjours pour enfants.

2 réflexions au sujet de « LE PARISIEN : Leur mort ne doit rien à la fatalité» : la colonie aux États-Unis s’était achevée dans le drame »

  1. Bonjour, je me permets de vous écrire car je viens de voir un article dans Le Parisien et j’ai des frissons à sa lecture. J’ai été animatrice et conductrice pour Cousin d’Amerique, pour un même type de voyage qui partait de Montréal à News York. Idem, le directeur s’est « désisté » 48h avant le départ, nous sommes parti à 3 accompagnants pour 20 ados, et 3 véhicules, alors que nous devions être 4 pour nous relayer et nous reposer. Au bout de 10 jours épuisants, on faisait des centaines de km chaque jours, la gestion des courses, des repas, les montages de tente, l’animation et la surveillance des jeunes, c’était harassant, j’ai demandé à tout arrêter, ça a été refusé et ils m’ont clairement dit de continuer, que j’avais pas le choix car personne pouvait me remplacer. J’ai fini par appeler mes parents en pleure, du haut de mes 23 ans je ne pouvais plus continuer, j’ai clairement dit que je mettais ma vie et ceux des jeunes en danger. Mon père a menacé de porter plainte auprès du responsable de Cousin d’Amerique, et il ont fini par payer 600€ pour modifier mon billet d’avion et je suis rentrée à Paris. Une animatrice Canadienne a prit la relève et je n’ai plus jamais eu de nouvelles de Cousins d’Amérique. Aujourd’hui je suis sincèrement désolé pour ce qui est arrivé à Léa et Orane. J’étais jeune et pensais que c’était dû au désistement de dernière minute du Directeur. Mais aujourd’hui en lisant cet article et quand je vois homicide involontaire, ça me révolte, car ce qui est arrivé était prévisible. Si vous avez des questions n’hésitez pas. Bon courage.

  2. Bonjour, désolée pour ma réponse tardive. Vous avez très bien agi, vous avez été très responsable. C’était en quelle année ? Comme vous le dites tout cela était très prévisible. Ce 3 novembre se tient le procès en appel de la société et Javault.

Les commentaires sont fermés.